OK
Par Marion Miclet | @Marion_en_VO

Mode et séries ont toujours fait bon ménage : non seulement les costumes portés par les héroïnes et héros nous éclairent sur leur personnalité, mais ils nous permettent de nous identifier. Voici comment trois séries aux looks iconiques ont aussi influencé notre façon de nous habiller.

En 2022 nous avons été éblouis par une infinité de pixels, mais pas que. Grâce aux tenues glamour portées dans And Just Like That…, Emily in Paris et The White Lotus, aux froufrous de la Régence de Bridgerton, aux justaucorps fluo vus dans Toutouyoutou et Physical, sans oublier les trois-pièces en tweed de Peaky Blinders, notre petit écran a été un défilé de mode ininterrompu. Mais ces costumes relèvent plus du domaine aspirational (ils font rêver) que de la vie de tous les jours. Ils mériteraient d’être exposés dans un musée ou au festival Séries Mania, comme la garde-robe inimitable de Fran Fine dans Une Nounou d’enfer. C’est pourquoi nous allons plutôt ici nous pencher sur les looks de personnages de séries que l’on peut afficher au quotidien. Comment ces héros sont-ils devenus, malgré eux, des icônes de la mode ? Quelles ont été les inspirations des créateurs de leurs costumes ?

Rachel Green (Jennifer Aniston) dans Friends

La coupe « The Rachel » portée par Jennifer Aniston dans la première saison de Friends

Avant même de passer en revue les tenues casual-chic de la serveuse du Central Perk qui s’est hissée au rang d’acheteuse chez Ralph Lauren, on se doit d’évoquer ses cheveux. « The Rachel » peut en effet être considéré comme le septième personnage de la sitcom culte Friends. Cette coiffure dégradée au brushing fastidieux créée par Chris McMillan a été aperçue pour la première fois dans l’épisode 20 de la saison un. Sa présence dans les deux saisons suivantes – au pic de popularité de la série – a tellement marqué les esprits que des milliers de spectatrices se sont ruées chez le coiffeur pour émuler la tendance. La coupe légendaire a, depuis, échappé au contrôle de son inventeur et de sa muse. Elle a eu droit à son propre reboot en 2022 : « The Modern Rachel ». Entrée dans le panthéon de la pop culture, la coiffure fait plus largement partie du style vestimentaire de Rachel – à la fois décontracté et pointu – qui a traversé les décennies. Qui peut oublier ses mini-jupes plissées, robes fendues et T-shirts raccourcis ?

Rachel Green au Central Perk dans Friends

Son look est en parfaite adéquation avec sa trajectoire de petite fille gâtée déchue qui prend en assurance au fur et à mesure qu’elle gravit les échelons de l’industrie de la mode. Comme le révèle Saul Austerlitz, auteur du livre Generation Friends sur la fabrication de la série, la costumière Debra McGuire a imaginé l’allure de Rachel comme faisant partie d’un ensemble visuel cohérent. Elle assigne à chacun des six personnages une palette dominante (bleu et vert pour Rachel) et une place différente sur l’échelle de la coolitude new-yorkaise. Le résultat est un tableau unique à chaque scène. « Je viens du monde des beaux-arts, je suis peintre, donc ma perspective est différente », affirme Debra McGuire (qui a récemment collaboré avec Jennifer Aniston sur The Morning Show). Elle précise : « Je ne suis pas tant intéressée par la mode que par le fait de créer quelque chose que personne n’a jamais vu avant ». Ou, devrait-on dire, quelque chose que personne ne se lasse de revoir, encore et encore, presque trente ans plus tard.

La bande d’ados de Stranger Things

Voilà une série qui a la particularité de nous donner envie de nous habiller en fripes rétro, comme ses personnages sortis des années 1980, autant qu’elle nous pousse à acheter du merchandising estampillé Stranger Things en lettres rouges. C’est le paradoxe de cette production Netflix : alors même qu’elle baigne dans la nostalgie du cinéma de genre eighties (E.T., Les Goonies, Stand by Me), elle génère une nostalgie instantanée envers un groupe d’adolescents pas comme les autres. Pour rejoindre leurs rangs, ou du moins la communauté des fans transis, il suffit d’arborer un T-shirt au logo du Hellfire Club. Mais la dynamique entre Stranger Things et le business du prêt-à-porter n’est pas que pécuniaire : il s’agit plutôt d’une admiration mutuelle. Dès la première saison, les acteurs ado tissent des liens forts avec plusieurs maisons de mode, qui raffolent de cette série truffée de références vintage. Saison après saison, l’univers vestimentaire du récit fantastique se déroulant dans le « monde à l’envers » continue d’infiltrer notre monde à nous. Pour la costumière Amy Parris, qui a feuilleté de nombreux albums de fin de promo de lycées américains pour se replonger dans la période, l’authenticité est fondamentale. Elle n’utilise que des pièces originales issues des années 1980 ou des reconstitutions fait-main.

Cela ne l’a pas empêchée de collaborer avec le label des surfers Quicksilver, afin d’avoir davantage d’exemplaires de costumes à disposition en cas de changements requis sur le tournage. Eduardo Franco, qui joue Argyle dans la saison 4, pose ainsi pour la campagne de pub de cette garde-robe vintage-moderne. Personnage, acteur, égérie, alter ego fashionista… les frontières se brouillent entre réalité et fiction. Dans un autre twist nostalgique étourdissant : Sadie Sink (Max) a choisi d’incarner la reine de nineties, Elaine Benes de Seinfeld, pour une série de photos publiée dans W Magazine. Ce qui les unit ? Le fait d’être une fille parmi une bande de mecs et d’afficher un style subtil, mais néanmoins puissant. Alors, vous ne savez plus à quel swag vous vouer ? Pas de problème, notre prochain personnage a un look beaucoup, beaucoup plus sobre.

Argyle, Jonathan, Eleven, Will, Mike dans la dernière saison de Stranger Things (Netflix)

Mercredi addams dans wednesday

La génération Z s’est empressée d’adopter l’élégante nonchalance de l’icône gothique Mercredi Addams. Ses pas de danse dégingandés lors d’une scène de bal hilarante sont reproduits sur TikTok, les tutoriels pour maîtriser l’art de ses tresses sévères se multiplient sur YouTube et les secrets de son maquillage morbide (teint blafard et lèvres bleues comme si elle revenait tout juste d’un petit tour dans l’au-delà) sont révélés par Netflix. Et nous n’avons même pas encore évoqué ses tenues ! Les quatre premiers épisodes ayant été réalisés par Tim Burton, rien d’étonnant à ce qu’il ait fait appel à la costumière oscarisée – mais surtout sa collaboratrice de longue date – Colleen Atwood (Sleepy Hollow, Sweeney Todd). Celle-ci avait une vision claire pour moderniser le style d’un personnage de fiction créé en 1938 et déjà incarné de façon inoubliable par Christina Ricci dans les années 1990. « Mercredi est allergique à la couleur, il a fallu donc tirer profit des possibilités géométriques du noir et blanc et les combiner à des textures contrastantes au moyen de cols pointus, de chaussures à plateformes et de son uniforme aux rayures peintes à la main. Cela l’a maintenue dans un univers à la fois réaliste et contemporain ».

La danse devenue mythique de Jenna Ortega interprétant Mercredi

Une autre façon de faire ressortir le goût de l’héroïne pour le macabre est de la placer parmi trois personnages dont l’identité visuelle est beaucoup plus colorée. Sa colocataire Enid (Emma Myers) est un véritable rayon de soleil, avec un penchant particulier pour les hauts roses vitaminés. Ensuite, la directrice incarnée par Gwendoline Christie affiche des tailleurs pastel impeccables qui sont un hommage direct à l’actrice hitchcockienne, Tippi Hedren (Les Oiseaux). Enfin, la prof trop avenante pour être honnête jouée par Christina Ricci arbore souvent des bottines rouge sang. On ne le dira jamais assez, le choix des costumes n’est pas anodin… Mais, pour en revenir à Mercredi, la leçon la plus pratique qu’elle nous transmet en cette rentrée de janvier est l’importance du minimalisme : se limiter au noir et blanc et porter un uniforme (que ce soit d’écolière ou un jean-chemise-baskets), la voilà la vraie liberté vestimentaire !

Gomez, Mercredi et Morticia Addams (Mercredi, Netlfix)

La nostalgie, nouvelle tendance du petit écran ?
Séries à l’ambiance rétro, reboots et revivals ne cessent de se multiplier sur nos écrans. Comment les chaînes et plateformes innovent-elles pour faire vibrer notre corde sensible. Explications.
Découvrir