Soundtrack : 6 séries à écouter en Février

Dickinson, S2

IAN ET SOFIA HULTQUIST

Série de Alena Smith, David Gordon Green • Saison 2 sur Apple TV+ depuis le 8 janvier 2021 

Pour cette série consacrée à la figure historique de la poétesse Emily Dickinson nous entendons une partition pop audacieuse. Les morceaux trip-hop électro contrastent avec le 19e siècle dépeint. Incarnée par Hailee Steinfeld, révélée dans True Grit des frères Coen (2010), l’écrivaine est comme prisonnière dans une mauvaise époque, ce qui est renforcée par cet anachronisme musical. Elle a pourtant l’ambition de triompher des contraintes sociales et familiales pour devenir la plus grande poétesse du monde. Son impertinence passe par des dialogues à l’humour british très contemporains, et une musique rythmée agrémentée d’une voix évanescente qui représente celle du personnage. Sofia Hultquist est une artiste italienne plus connue sous le nom Drum & Lace dans le domaine de la musique électronique. Elle s’associe ici à son mari le compositeur américain Ian Hultquist qui a notamment travaillé sur le film Assassination Nation de Sam Levinson (2018). Cet alliage marque l’équilibre entre la comédie et la chronique historique, encore plus accentué dans la saison 2 lorsque l’héroïne rencontre le vedettariat et le monde des médias. Le thème de la célébrité fait également le pont entre deux époques.  

5 TITRES À ÉCOUTER

Wandavision

Christophe Beck

Série de Matt Shakman et Jac Schaeffer • 9 épisodes sur Disney+ depuis le 15 janvier 2021

Le compositeur Christophe Beck qui a débuté à la télévision sur Buffy contre les vampires est un habitué des Studio Disney puisqu’il a signé les musiques pour La Reine des Neiges, Les Aventures d’Olaf, ainsi que Ant-Man et la Guêpe (2018), déjà dans l’univers Marvel. Cette première série pour la marque Marvel propose une combinaison inédite entre l’univers des super-héros et l’esthétique d’une sitcom traditionnelle (Wanda Maximoff alias Scarlet Witch et Vision sont des super-héros vivant dans une banlieue idéalisée). Cette association se retrouve dans la partition partagée entre des morceaux ludiques, jazz, avec des virgules burlesques soulignant avec humour les gestuelles, et des titres orchestraux plus héroïques. On y entend aussi des chansons originales, notamment « A Newlywed Couple » rappelant le style des comédies musicales de Broadway. Comme la série, la musique traverse les décennies – chaque épisode nous fait voyager vers une nouvelle époque, des années 50 à aujourd’hui – en faisant des clins d’œil, notamment à Ma sorcière bien aimée. Elle fait coexister deux mondes, l’univers de Marvel et la culture télévisuelle.  

5 TITRES À ÉCOUTER

Servant, S2

Trevor Gureckis

Série de M. Night Shyamalan et Tony Basgallop • Saison 2 sur Apple TV+ depuis le 15 janvier 2021

Pour cette série horrifique initiée par M. Night Shyamalan, le compositeur Trevor Gureckis soutient le frisson avec ses sonorités inquiétantes et entretient le mystère qui entoure la nourrice et un bébé qui n’en est pas vraiment un.  La saison 2 est encore plus gore, notamment les épisodes mis en scène par la française Julia Ducournau (Grave). Quelques notes angéliques dessinent un thème principal pour représenter le nourrisson, tandis que le surgissement brutal de notes agressives laisse planer un suspens et une ambiance de peur. Ce paysage sonore effrayant prolonge aussi la santé mentale défaillante de la mère, propice aux hallucinations. Cela passe pour le compositeur par les éléments électroniques, mais aussi par une utilisation singulière de la clarinette (produisant comme un souffle), d’un violon désaccordé, ou de cloches. Une grande étrangeté se dégage de la partition et encourage la duplicité des personnages, tantôt bienveillants tantôt inconvenants. 

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The Stand

nate Walcott et Mike Mogis

Série de Josh Boone et Benjamin Cavell • 10 épisodes sur Starzplay & Canal+ Séries depuis le 3 janvier 2021

Les compositeurs Nate Walcott et Mike Mogis, membres du groupe de rock Bright Eyes, retrouvent Josh Boone dans un tout autre registre après les romances Stuck in Love (2012) et The Fault in Our Stars (Nos étoiles contraires, 2014). Il s’agit de l’adaptation du roman de Stephen King, Le Fléau. La musique relate par des cordes à l’ambiance de désolation la vision apocalyptique d’un monde décimé par la peste. Des notes de guitare héritées du western illustrent la sauvagerie, l’instinct de survie, la défense d’un territoire,  tandis qu’un piano mélancolique augmenté d’un orchestre maintient une trace d’humanité. La partition ample et élégiaque parvient à attribuer une dimension mythologique à des personnages en combat contre une menace invisible, lancés malgré eux dans une lutte primaire entre le bien et le mal.

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Monsterland

Gustavo Santaolalla

Série américaine de Mary Laws (Hulu) • 8 épisodes sur Salto le 4 février 2021

Compositeur aux deux Oscars (pour Brokeback Mountain de Ang Lee et Babel de Alejandro González Iñárritu), l’argentin Gustavo Santaolalla participe à cette série anthologique sur la figure universelle du monstre. Puisque chaque épisode a sa propre histoire et ses propres personnages, la partition est différente selon chaque récit. Santaolalla a en quelque sorte mis en musique huit films. L’ambiance demeure malgré tout terrifiante et envoûtante. Il s’agit de réveiller les monstres qui sommeillent en nous. Les histoires confrontent la figure du monstre tel qu’elle apparaît dans le cinéma d’horreur à des individus ordinaires qui commettent des actes monstrueux. La partition représente la noirceur de l’âme humaine. Elle puise dans notre inconscient. Ses notes altérées électroniquement entretiennent une atmosphère angoissante. Par ailleurs, des guitares amènent des respirations. La série est une grande réussite par sa capacité à faire exister des personnages du quotidien auxquels on s’attache, puis de procéder à un basculement vers l’extraordinaire le plus terrible. La musique est à cette frontière, notamment dans le second épisode choc – l’histoire d’un enfant abusé qui fait face au silence – où un trompettiste, lors d’une fête de rue, réveille le traumatisme qu’une mère ne peut entendre.

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THE TWILIGHT ZONE (LA QUATRIÈME DIMENSION)

Bernard Herrmann

Série de Rod Serling • 5 saisons entre 1959 et 1964 • Saisons 1 disponible aujourd’hui sur Canal+ Séries

Lorsque Bernard Herrmann participe à cette série anthologique de Rod Serling, il vient de signer les partitions de Vertigo et La Mort aux trousses pour Alfred Hitchcock, c’est dire qu’il était au sommet de son talent. Dans The Twilight Zone, on le reconnaît à travers des motifs circulaires qui font exister une dimension parallèle. Il signe le thème de la saison 1, mais d’autres compositeurs de renom ont contribué à cet univers de science-fiction, tels Franz Waxman (Sunset Boulevard) sur l’épisode 4, ou Jerry Goldsmith (Alien, Star Trek), alors au début de sa carrière, sur les épisodes 13, 27 et 29 avec une tonalité plus jazzy. Pour l’anecdote, après cette première saison, la production décida de changer de compositeur pour le thème de générique des saisons suivantes, trouvant celui de Herrmann trop subtil, pas assez mémorisable. C’est ainsi que Marius Constant, compositeur et chef d’orchestre d’avant-garde d’origine roumaine basé à Paris, élève de Nadia Boulanger et Olivier Messiaen, composa le thème resté emblématique sur les 4 saisons suivantes, occultant celui de son prédécesseur. Il reprend l’idée du motif circulaire mais de manière plus franche et avec une combinaison de cordes, harpe, flûte et cuivres. Ce thème sera d’ailleurs repris pour la série remake de 2019 dirigée par Jordan Peele et sur laquelle Marco Beltrami et Brandon Roberts reprennent le pupitre.

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