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Chaque mois, Séries Mania et Cinézik présentent 6 séries à découvrir les yeux fermés. Littéralement. Des nouveautés et une série culte qui révèlent que la musique raconte déjà tout (ou presque) de sa série : l’intrigue, la psychologie des personnages et les références de son auteur·rice. Bonne écoute !

Par Benoit Basirico, créateur de Cinézik

ovni(s)

Thylacine

Série franco-belge de Clémence Dargent, Martin Douaire, Antony Cordier • 12 épisodes sur Canal+ Séries depuis le 11 janvier 2021 


Ce X-Files à la française, avec son héros (Melvil Poupaud) placardisé pour enquêter sur des événements paranormaux, emprunte le ton relâché de la comédie. Nous sommes en 1978 au sein du bureau du GEPAN (Groupe d’études des phénomènes aérospatiaux non identifiés). Le caractère vintage (décors, costumes, couleurs) est renforcé par les divers emprunts musicaux des années 1970/80 (Vladimir Cosma, Ennio Morricone…) et les références cinématographiques (Spielberg, Hitchcock, De Broca). Le caractère hybride de la série, alternant les tons et les humeurs de l’extravagance à la tendresse, de l’humour au romantisme, se retrouve dans la partition originale de Thylacine. L’artiste de musique électronique angevin, William Rezé de son vrai nom, avait rencontré le réalisateur de la série Antony Cordier sur le long métrage Gaspard va au mariage (2018).
L’électronique de sa musique convient bien au surnaturel avec des touches rétro dans les sonorités (composées avec les synthés d’époque) et ne dépareille pas avec les emprunts. Parmi ces titres préexistants, certains reviennent plusieurs fois, notamment « Zero Gravity » de Jean-Michel Jarre & Tangerine Dream qui ouvre chaque épisode, et le « Coup de tête » de
Pierre Bachelet (thème sifflé du film de 1979) qui apparaît deux fois comme un écho.

5 TITRES À ÉCOUTER

lupin : dans l’ombre d’arsène

mathieu lamboley

Série française de George Kay, Louis Leterrier, Marcela Said…  • Partie 1 (5 épisodes) sur Netflix depuis le 8 janvier 2021

Netflix propose sa première réussite française, aussi bien en terme qualitatif qu’en terme d’audience (le succès est mondial). Centrée sur Assane Diop (Omar Sy), qui entreprend de venger son père victime d’une injustice en s’inspirant d’Arsène Lupin, cette série n’est pas une adaptation mais une transposition du personnage de roman dans le monde contemporain, en abordant une certaine réalité sociale. La musique de Mathieu Lamboley convoque ces deux mondes, entre modernité et aventure à l’ancienne, en associant l’orchestre romanesque et des rythmiques hip-hop. Le compositeur retrouve d’ailleurs l’univers qu’il avait pu illustrer au cinéma pour Le Retour du héros (Laurent Tirard, 2018), avec un thème qui se décline pour un personnage haut en couleur qui s’invente une bravoure. La partition passe du suspens à l’héroïsme, de l’émotion à l’action, dans une instrumentation ludique, invitant le cymbalum ou une voix soprano, sans se priver d’une certaine flamboyance.  

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la chronique des bridgerton

kris bowers

Série américaine de Chris Van Dusen et Shonda Rhimes • 8 épisodes sur Netflix depuis le 25 décembre 2020

Cette série historique se situe à Londres au début du 19e siècle, pendant la Régence. Elle s’ouvre comme un conte de fée romantique, à travers le regard de Daphné Bridgerton, jeune ingénue qui se cherche un mari, et qui joue Beethoven et Mozart au piano, instrument avec lequel elle exprime sa tristesse et ses désirs (on pense à La Leçon de piano). C’est alors que le compositeur Kris Bowers intervient, lui-même pianiste (compositeur des pièces de piano dans Green Book). Mais pour convenir aux réceptions fastueuses, aux scènes de bal et au mariage, il ajoute au piano l’orchestre majestueux qui dessine des mouvements de valse. Il fait ainsi le lien entre le personnage central et son environnement historique, tout en exprimant une certaine modernité par des notes entêtantes. La série ne joue d’ailleurs pas totalement la reconstitution historique. À la manière du Marie-Antoinette de Sofia Coppola qui employait la musique pop eighties de New Order, la série fait entendre des airs connus de la pop contemporaine, avec l’idée malicieuse de les réarranger sous une forme instrumentale classique. Ainsi, « Bad Guy » de Billie Eilish (pour l’entrée sur la piste de danse à l’épisode 3) ou « Thank U, next » de Ariana Grande (pour les scènes de bal) sont rejoués par le Vitamin String Quartet. 

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la promesse

nathaniel méchaly

Série française de Laure de Butler et Anne Landois • 6 épisodes sur TF1 & Salto le 7 janvier 2021 

Nathaniel Méchaly, compositeur d’envergure pour le cinéma, aussi bien sur des productions formatées (Taken, Colombiana) que sur des films singuliers (Le Noir (te) vous va si bien de Jacques Bral, Dorothy de Agnès Merlet, The Grandmaster de Wong Kar-Wai) retrouve une série après Jour polaire (Canal+, 2016). Il reprend les codes du genre – le film policier de TF1 sur une disparition de jeunes filles avec son enquête, son suspens, ses interrogatoires – et ajoute une dimension plus souterraine, instaurant un climat de suspicion et de trouble. La musique épouse le point de vue de l’héroïne (Sofia Essaïdi) qui reprend l’affaire de son défunt père (Olivier Marchal) des années plus tard. Entre soif de vengeance, volonté d’en découdre avec la vérité, et respect des victimes, l’enquêtrice est empreinte d’une belle humanité, partagée entre tristesse et détermination. La partition privilégie les cordes solistes et les percussions pour entrer dans son âme torturée. Grâce à ce tandem formé par les notes et le personnage, la série est une réussite.

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The Good Lord Bird

artistes variés

Série américaine (Showtime) de Ethan Hawke • 7 épisodes sur Canal+ Séries depuis le 7 janvier 2021

Cette série propose une relecture de l’histoire américaine par le prisme du western. Elle revient sur les événements qui ont déclenché la Guerre de Sécession à travers le regard qu’un jeune esclave (Onion – Joshua Johnson-Lionel) porte sur John Brown (Ethan Hawke), leader de l’abolitionnisme américain, personnalité exubérante, illuminé humaniste et sanglant. On pense alors au ton satirique irrévérencieux des Frères Coen (True Grit), et à la désinvolture stylisée et trash d’un Quentin Tarantino. C’est d’ailleurs à ce dernier que l’on pense à l’écoute de la BO. Comme chez le réalisateur de Django Unchained, la série privilégie les titres préexistants dont l’effet jukebox participe au décalage. La musique accentue les ruptures de tons, entrant et disparaissant de manière anarchique, et élaborant un contraste avec l’action lorsque, par exemple, un morceau dansant de soul apparaît sur une scène de tuerie. Entre le tragique et le comique, la musique convoque l’âme de la communauté noire (on entend le gospel de Mahalia Jackson à l’ouverture de chaque épisode et deux titres supplémentaires, mais aussi Nina Simone ou Elmore James). La violence liée aux tensions raciales est ainsi dénoncée avec dignité tout en étant contrebalancée par le quiproquo et le vaudeville. 

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Les brigades du tigre

claude bolling

Série de Claude Desailly • 6 saisons sur France 2 entre 1974 et 1983 • Saisons 1 à 3 disponibles aujourd’hui sur Madelen (Ina)

Pianiste de jazz et compositeur pour le cinéma, Claude Bolling est décédé le 29 décembre 2020 à l’âge de 90 ans. Il est connu pour le fameux thème de Borsalino de Jacques Deray, pour Le Magnifique de Philippe De Broca ou encore pour cette série policière. Durant 6 saisons, le compositeur a pu confirmer sa virtuosité dans la capacité à proposer un large éventail de couleurs et de styles. Avec une grande dextérité musicale, il a pu composer pour un cancan, une valse, une polka, une musette, pour une ambiance de cabaret, pour l’action, le mystère, le suspens, une poursuite automobile, le désespoir ou la joie. Ses compositions sont la plupart du temps teintées du style jazz et swing qui le caractérise, mais son côté caméléon lui autorise tous les chemins de traverse. Son talent réside surtout dans l’habileté à allier le patchwork avec un souci d’unité, à travers un thème à décliner. Un thème central au piano bastringue émerge et revient sous différentes formes. Lui qui instaurait des passerelles entre le cinéma et la variété (arrangeur pour Brigitte Bardot – « La Madrague », Juliette Gréco, Henri Salvador…) a pu se saisir de l’image et des récits pour s’amuser sans frontières avec les notes.

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