Chaque mois, Séries Mania et Cinézik présentent 6 séries à découvrir les yeux fermés. Littéralement. Des nouveautés et une série culte qui révèlent que la musique raconte déjà tout (ou presque) de sa série : l’intrigue, la psychologie des personnages et les références de son auteur·trice. Bonne écoute !
Par Benoit Basirico, créateur de Cinézik
RAISED BY WOLVES
Ben Frost, Marc Streitenfeld
Série américaine (HBO) de Aaron Guzikowski • 10 épisodes sur WarnerTV (2 épisodes chaque lundi soir via Canal+ Séries) depuis le 7 décembre 2020
Ben Frost (compositeur australien de la série Dark) et Marc Streitenfeld (acolyte de Ridley Scott qui réalise les deux premiers épisodes) se partagent la B.O. de cette série ambitieuse produite par le réalisateur anglais de Blade Runner. On retrouve d’ailleurs ici des androïdes et des éléments font penser à Alien. La partition épouse le cheminement d’une mère androïde (Amanda Collins) qui combat la croyance des humains. Les notes électroniques se mêlent à des sonorités primitives. Des voix spectrales ajoutent leur étrangeté et évoquent la foi à éradiquer. Le combat entre le sacré et le profane, la technologie et l’organique, se dessine à travers cet alliage instrumental. Les compositeurs contribuent avec leur partition singulière à un univers mythologique. Par ailleurs, la suédoise Mariam Wallentin prête sa voix pour la chanson qui ouvre les épisodes.
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HIS DARK MATERIALS : À LA CROISÉE DES MONDES
Lorne Balfe
Série américaine (HBO) de Jack Thorne • Saison 2 sur OCS depuis le 17 novembre 2020
Le compositeur écossais Lorne Balfe (qui travaille dans les studios Remote Control auprès de Hans Zimmer) est aujourd’hui très actif (une dizaine de B.O. en 2020). Pour cette adaptation des romans de Philip Pullman, il conçoit une véritable architecture thématique digne des plus grandes sagas, à commencer par le thème principal qui ouvre chaque épisode. Alors que la première saison invitait au voyage et à l’exploration, cette deuxième saison se révèle plus sombre, plus immobile, plus introspective. Les motifs sont alors déclinés dans un registre mystérieux. La gravité se mêle à l’enfance. Le récit suit le parcours d’une jeune fille orpheline prénommée Lyra (Dafne Keen). La musique s’équilibre entre sa part d’insouciance et de bravoure. Aussi, une musique invite un chœur pour signifier le caractère épique de l’aventure. Nous sommes à cet instant pas loin d’une musique d’horreur gothique.
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ANTIDISTURBIOS
Olivier Arson
Série espagnole (Movistar +) de Rodrigo Sorogoyen et Isabel Peña • 6 épisodes sur Canal+ Séries depuis le 16 novembre 2020
Le tandem formé par le réalisateur espagnol Rodrigo Sorogoyen et le français (installé en Espagne) Olivier Arson a fait des merveilles sur le grand écran avec Que Dios nos perdone (2017), El Reino (2019) ou encore Madre (2020). Leur cinéma immersif trouve une puissante transposition avec cette première série inspirée d’un sujet d’actualité. Nous suivons le quotidien d’une unité de policiers anti-émeutes impliquée dans une expulsion qui tourne au drame. Une jeune inspectrice des affaires internes mène l’enquête. Dans ce contexte, la partition intervient pour maintenir une tension constante, au cœur de l’action. Des notes viscérales et un motif de guitare électrique entêtant participent à entretenir une colère et une nervosité, avec des fluctuations délicates pour intégrer la nuance des caractères. Cette série coup de poing où se jouent des jeux de pouvoir et de corruption accueille la musique au sein même de sa mise en scène.
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INDUSTRY
Nathan Micay
Série britannique (HBO) de Konrad Kay et Mickey Down • 8 épisodes sur OCS depuis le 10 novembre 2020
Le canadien Nathan Micay (DJ né à Toronto et basé à Berlin, aussi connu sous le titre de « Bwana ») signe pour cette série britannique une partition électronique planante rappelant le style de Vangelis (Les Chariots de feu) ou de Tangerine Dream (Risky Business). Tandis qu’il signe sa première bande originale de télévision, il se retrouve dans la situation des personnages qui doivent s’adapter à un nouveau monde. Il s’agit d’un groupe de jeunes recrues pleines d’ambition dans une société de la finance. Cette culture d’entreprise est basée sur la compétition, le dépassement de soi, l’humiliation, et cela passe par le sexe et les addictions. La musique synthétique, à la fois froide et sexy, représente le huis-clos glacial, la pression et le stress, autant qu’un sentiment d’euphorie et d’émerveillement. Les notes se font aussi sensuelles pour évoquer les jeux de séduction et le glamour, dans une atmosphère hédoniste.
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THE WILDS
Cliff Martinez
Série américaine de Sarah Streicher • 10 épisodes sur Amazon Prime Video.
Cliff Martinez a été le batteur des Red Hot Chili Peppers puis le compositeur régulier de Steven Soderbergh (Solaris) et de Nicolas Winding Refn (Drive). Pour ces derniers il a déjà pu exercer son talent sur des séries (The Knick, Too Old to Die Young). À travers l’histoire d’adolescentes bloquées à leur insu sur une île déserte dans le cadre d’une recherche sociologique, il s’agit ici d’une étude de caractères. Le récit alterne trois temporalités (présent, passé, futur), chacune apportant son éclairage sur chaque personnage. L’aventure vaut alors surtout pour le portrait de ces jeunes filles échouées (dans tous les sens du terme), mettant en avant les questionnements de la jeunesse. Face à ce tableau comportementaliste, Cliff Martinez retrouve son style électronique pour représenter le cadre idyllique, solaire et maritime, un lieu qui devient la métaphore du doute existentiel. Les notes représentent autant le bord de mer qu’un monde intérieur flottant qui n’a pas encore déterminé ses objectifs. Une présence vocale donne une voix à cette féminité multiple qui se cherche.
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X-FILES: AUX FRONTIÈRES DU RÉEL
Mark Snow
Série américaine créée par Chris Carter • 11 saisons (1993–2018) disponibles sur Fox Play via Canal+ Séries.
Comme toute série incontournable, celle-ci a son thème mémorable qui devient une signature. Pourtant ce thème n’apparaît pas dans le tout premier épisode de la première saison, mais n’intervient qu’à partir de l’épisode 2. On le retrouve ensuite sur les crédits qui suivent chaque pré-générique. L’alliance du synthétiseur et d’un piano tourbillonnant traduit l’ambiance mystérieuse de cette série mettant le paranormal à l’honneur. Les aventures des agents du FBI Fox Mulder (David Duchovny) et Dana Scully (Gillian Anderson) sont illustrées par une partition atmosphérique, parfois angoissante, à d’autres moments mélancolique (pour évoquer la disparition de la sœur de Mulder). Au pupitre de cette partition, il y a Mark Snow (de son vrai nom Martin Fulterman) qui a déjà 18 ans de musiques de séries à son actif (The Rookies, Starsky et Hutch, Pour l’amour du risque, Hooker, Le juge de la nuit…) au moment où il rencontre Chris Carter. Il retrouvera ce dernier sur la série « Millenium » (1996-1999) ainsi que sur les versions cinématographiques de X-Files. L’influence de Twin Peaks, série de David Lynch inaugurée trois ans plus tôt, se ressent dans les liens entretenus avec la musique de son compositeur Angelo Badalamenti, dans le même registre climatique et énigmatique, soutenant la dimension impénétrable du récit d’enquête basé sur des indices à déchiffrer. Plus tard, le cinéaste français Alain Resnais affirme son amour pour cette série fantastique au point d’inviter Mark Snow sur ses quatre derniers films (dont Coeurs nommé aux César).
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