En septembre dernier, Fabian Stelzer, expert en neuroscience, a suscité une grande agitation dans le secteur de l’audiovisuel avec sa mini-série SALT, entièrement générée grâce à l’utilisation de l’IA MidJourney. L’intrigue de la série a été pensée par la communauté Twitter de l’entrepreneur et le scénario imaginé par l’IA. Pourrait-on ainsi envisager un futur où les scénarios seraient entièrement générés par des algorithmes intelligents ? Quelles conséquences l’intelligence artificielle peut-elle avoir sur la création et sur sa diversité ?
Ces questions donnent lieu à des mouvements de contestations importants de la part des membres du syndicat des scénaristes – la Writers Guild of America (WGA) – en grève depuis le 2 mai dernier pour défendre leurs droits. De l’écriture des dialogues à la construction des personnages, en passant par l’élaboration des intrigues et de l’ensemble du récit d’une série télévisée, ils jouent un rôle majeur dans la création d’une série et l’inventivité du secteur. L’IA pourrait-elle prendre bientôt leur place ?
L’IA comme outil collaboratif ?
Pour Lisa Joy, showrunneuse et scénariste invitée d’honneur du festival Séries Mania lors son édition 2023, l’intelligence artificielle n’est pas une menace pour la profession : « Est-ce que je pense que l’IA est une menace fondamentale à l’imagination humaine ? Non. Je pense qu’elle peut être un accessoire à notre imagination, mais pas son remplacement.« La scénariste américaine connaît parfaitement le sujet, de Pushing Daisies en passant par Westworld jusqu’à Périphériques elle a fait de la science-fiction son genre de prédilection. Son grand succès Westworld a été une des premières séries à soulever la question de l’IA de manière futuriste, avant qu’elle ne devienne un sujet actuel.
Selon elle, l’intelligence artificielle peut au contraire servir d’outil aux scénaristes. Plutôt que de considérer l’IA comme un concurrent, elle pourrait ainsi être envisagée comme un outil plus collaboratif. Les algorithmes d’IA pourraient être utilisés pour automatiser certaines tâches fastidieuses, comme la génération d’idées préliminaires, la recherche de références. Cela pourrait permettre aux scénaristes en ce sens de se concentrer davantage sur l’aspect créatif de leur travail et de gagner du temps dans leur processus d’écriture.
Voir la conférence de Lisa Joy dans son intégralité.
En réalité, les algorithmes intelligents modifient déjà notre expérience de spectateurs. Netflix les utilise depuis plusieurs années pour étudier les habitudes de consommation de ses abonnés et produire en conséquence les titres les plus susceptibles de leur plaire. Succès garanti.
La plateforme de streaming a également développé des mini-séries interactives comme Black Mirror : Bandersnatch. La série permet de générer jusqu’à 13 fins différentes et c’est aux spectateurs de les trouver. De la même manière, la comédie Unbreakable Kimmy Schmidt : Kimmy contre le Révérend permettait aux spectateurs de contrecarrer eux-mêmes les plans du révérend pour empêcher le mariage de Kimmy.
L’IA, UNE MENACE POUR NOS FUTURES SÉRIES ?
Quelle que soit l’ampleur de son utilisation, l’intelligence artificielle est bien là. Il est donc aujourd’hui essentiel de réfléchir à son encadrement. C’est d’ailleurs l’une des principales revendications de la grève des scénaristes à Los Angeles. Invités à Séries Mania Forum – l’événement professionnel organisé pendant le Festival – pour une table ronde sur l’avenir de la création des séries et l’intérêt croissant de l’industrie audiovisuelle pour l’IA, le directeur de développement de la SACEM, Julien Domon, le fondateur de Badel Media, Manuel Badel et Pascal Rogard, directeur de la SACD ont souligné les avancées mais également les dangers de cette technologie. Pour ce dernier, « L’IA peut être dangereuse si demain, des producteurs établissent qu’il est plus simple au lieu d’avoir des auteurs, d’avoir des logiciels qui créent des oeuvres. […] Je pense qu’on n’y est pas encore mais qu’avec les progrès technologiques, c’est quelque chose dont il faut se méfier. »
L’IA pourrait être un outil précieux, oui, mais elle doit être utilisée de manière éthique en collaboration avec les auteurs de séries. En fin de compte, qui détiendrait les droits sur les scénarios générés par l’IA ? Il est fondamental de trouver un équilibre entre l’utilisation de l’IA comme outil et la préservation du rôle des scénaristes.
Et au-delà de l’aspect réglementaire et financier, à quoi ressemblerait une série écrite pas une IA ? Peut-elle être innovante, unique ? L’une des principales critiques faite au scénarios générés par Chat GPT est en effet leur manque de créativité. La créativité étant une caractéristique propre à l’humain, basée sur l’expérience, l’émotion et l’imagination. Lors de sa masterclass, Lisa Joy ne se montrait pas inquiète : « L’IA est actuellement un agrégateur d’informations […] elle n’a pas la capacité de réfléchir activement […] ce qui signifie qu’elle ne fait rien d’intrinsèquement novateur. » Les scénaristes de séries humains ont donc encore de beaux jours devant eux !
Ainsi, les intelligences artificielles ont le potentiel de révolutionner la création de séries en automatisant des tâches ou encore en personnalisant l’expérience de visionnage. Cependant, elles ne sont pas encore prêtes à remplacer complètement les créateurs et scénaristes. Mais que se passera t-il le jour où les IA pourront réfléchir par elles-mêmes ? L’avenir – ou un prochain épisode de Black Mirror ? – nous le diront !
BONUS
On a demandé à CHAT GPT de nous pitcher le festival Séries Mania en série et voilà ce que ça a donné…
