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Chaque mois, Séries Mania et Cinézik présentent 6 séries à découvrir les yeux fermés. Littéralement. Des nouveautés et une série culte qui révèlent que la musique raconte déjà tout (ou presque) de sa série : l’intrigue, la psychologie des personnages et les références de son auteur·rice. Bonne écoute !

Par Benoit Basirico, créateur de Cinézik

THE SERPENT

Dominik Scherrer

Série britannique de Hans Herbots et Tom Shankland • 8 épisodes sur Netflix depuis le 2 avril 2021

Dans cette série criminelle inspirée d’une histoire vraie, Tahar Rahim interprète le français Charles Sobhraj, un escroc et un tueur qui sévissait avec sa compagne canadienne à travers la Thaïlande, le Népal et l’Inde entre 1975 et 1976. Il détroussait des touristes avant de les empoisonner. Par souci de véracité, l’emploi de chansons préexistantes d’époque
propose un mélange de chansons françaises et thaïlandaises pour représenter à la fois l’origine des personnages et les lieux qu’ils traversent. On y entend notamment Serge Gainsbourg, Jacques Dutronc, ou encore Brigitte Fontaine en duo avec Jacques Higelin sur une chanson, « Cet Enfant Que Je T’avais Fait », qui apparait à deux reprises (épisodes 4 & 5). Concernant la musique originale, le compositeur anglo-suisse Dominik Scherrer (qui retrouve là les show-runners de « The City and the City » en 2018) évite d’être dans le
pastiche seventies avec une partition qui se charge plutôt d’entretenir le mystère autour du personnage central. Un motif régulier et des pulsations jouant le clic clac d’une horloge élaborent le compte à rebours lancé avant la captivité promise du criminel tandis que le souffle d’un marathonien (sur le titre « Herman in the rain ») accentue l’idée d’une course
contre la montre. Par ailleurs, des sonorités plus douces, entretenues par un synthétiseur, représentent la « zénitude » et la spiritualité que les jeunes hippies sont venus cherchés en Asie, agrémentées de sonorités orientales (gongs, ranat ek – marimba thaïlandais, phin – mandoline thaïlandaise, khaen – harmonica thaïlandais).

5 TITRES À ÉCOUTER

CRY WOLF

Christian Balvig

Série danoise de Maja Jul Larsen • 8 épisodes sur Salto depuis le 18 mars 2021. Sélectionnée en Compétition Internationale à Séries Mania 2020 et présentée en avant-première digitale.

Cette chronique socio-judiciaire danoise (par la scénariste de « Borgen ») focalise toute notre attention sur le visage et les mots d’une jeune adolescente de 14 ans qui dénonce, dans une dissertation à l’école, les violences qu’elle subirait par son beau-père, tandis que les parents nient en bloc. Tout l’enjeu de cette série repose sur les signes qui attesteraient ou contrediraient la crédibilité de la parole de l’enfant. Face à ce sujet sérieux, traité avec réalisme et épure, la musique se devait d’être délicate, et de ne surtout pas condamner ou disculper qui que ce soit. Le doute est très bien entretenu. Les notes se contentent d’élaborer un cheminement ambigu. Les sonorités cristallines altérées par des dissonances et des notes de synthé plus inquiétantes représentent la fin d’une innocence. Le compositeur danois de 29 ans, Christian Balvig, signe cette partition avec son groupe When Saints Go Machine, mariant le violoncelle, le synthé, les percussions (gamelan), à un chant déchirant qui cloture quelques titres. 

5 TITRES À ÉCOUTER

IT’S A SIN

Murray Gold

Série britannique de Russell T. Davies • 5 épisodes sur Canal+ Séries depuis le 22 mars 2021

Russell T. Davies est l’un des grands showrunners britanniques contemporains. Après la dystopique « Years and Years », il renoue avec son attachement à la communauté gay (comme sur les séries cultes « Queer as Folk », « Cucumber » ou « Banana ») en se plongeant dans les années 80 à Londres au moment de l’arrivée du Sida. Le sujet, son militantisme, et le traitement choral, rappellent « 120 battements par minute » de Robin Campillo. On retrouve d’ailleurs ici « Smalltown Boy » de Bronski Beat, ainsi que d’autres morceaux emblématiques de l’époque (« Soft Cell », « Joy Division », « Erasure », « Blondie », « Orchestral Manoeuvres In The Dark »), et bien-sûr celui des Pet Shop Boys qui donne son titre à la série. Mais contrairement au film français pour lequel Arnaud Rebotini remporta un César, la musique originale n’est pas électronique. Murray Gold relate l’insouciance de cette génération par un marimba tandis que la gravité liée à l’arrivée de la maladie est représentée par des cordes plus tragiques. Entre les nuits hédonistes et la peur de la contamination, la partition prend en charge ce double flux, à la fois vital, débordant d’énergie, et mortifère. Le dénouement poignant est magnifié par le titre « Ritchie » dans un mouvement lancinant qui va crescendo avec des cordes, une guitare et un choeur. 

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BAGHDAD CENTRAL

H. Scott Salinas

Série britannique de Stephen Butchard • 6 épisodes sur Arte depuis le 8 avril 2021.
Sélectionnés en Compétition Internationale à Séries Mania 2019.

A travers l’enquête d’un ancien inspecteur de police qui cherche sa fille disparue en Iraq, la série est à la fois un thriller géopolitique documentant le pays à la chute de Sadam Hussein, et le portrait d’un père désorienté. Le guitariste H. Scott Salinas retranscrit le contexte géographique par l’emploi du Oud (instrument oriental) et autres sonorités solaires. Il propose aussi un air au piano pour épouser avec empathie le point de vue du personnage, dans un mouvement de valse qui prend du recul sur le drame qui se joue, enrobé de cordes et de sonorités insolites (un sifflet). Cette ritournelle hante le décor irakien par ses réminiscences. Des atmosphères angoissantes sont là pour rappeler les dangers sans oublier l’émotion avec le très beau titre « Remember » qui joue la nostalgie.

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HIPPOCRATE s02

Low Entertainment

La série médicale de Thomas Lilti revient pour une deuxième saison, plus nerveuse encore. Effectivement, les stagiaires en médecine interne se retrouvent immergés en plein coeur du service des urgences. Le réalisateur retrouve pour la musique son fidèle trio Low Entertainment (Alexandre Lier, Sylvain Ohrel, Nicolas Weil) après le long-métrage à l’origine de la série, « Hippocrate » (2014), « Médecin de campagne » (2016) et « Première année » (2018). La partition accompagne le cours du récit et alterne comme les personnages entre les moments très tendus (réanimations, service surchargé…), et les respirations (pause cigarette, moments contemplatifs à une fenêtre…). Puisque la série repose sur le rythme, avec ses précipitations, ses ruptures, ses relâches, la musique est à sa place pour soutenir cette puissance narrative. Face au réel implacable (et terriblement d’actualité) de cette immersion dans le quotidien d’un hôpital, les notes ajoutent du romanesque, contribuent à faire exister la fiction, et à rendre les intrigues aussi palpitantes qu’un thriller. L’hommage à l’héroïsme des soignants n’en est que plus vibrant. 

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URGENCES

James Newton Howard, Martin Davich

Série américaine de Michael Crichton • 15 saisons, disponible intégralement sur Salto à partir du 30 avril 2021.
Diffusée à Séries Mania 2017 dans la section Séries Cultes.

Pour « Hippocrate », Thomas Lilti cite cette série incontournable comme référence. Diffusée chaque dimanche soir entre 1994 et 2009 sur France 2 elle a accompagné toute une génération. Ecrite par Michael Crichton, écrivain américain de science-fiction (à l’origine du film « Jurassic Park » – la série est d’ailleurs produite par Steven Spielberg), elle a révélé l’acteur George Clooney. Le thème principal qui ouvre chaque épisode est signé James Newton Howard qui n’était pas encore – en 1994 – le compositeur régulier de M. Night Shyamalan (ce qu’il sera dès 1999 avec « Le Sixième sens »), mais il était déjà un compositeur de renom pour le cinéma. Juste avant d’écrire ce motif au synthétiseur, avec basse et percussions, il venait de mettre en musique la traque de Harrison Ford pour « Le Fugitif » (1993). Le rythme haletant de cette ouverture permet de se mettre dans l’ambiance du quotidien des soignants travaillant au service des urgences de l’hôpital de Chicago. De son côté, Martin Davich (compositeur dont la réputation est liée à cette seule série) s’est chargé d’illustrer le coeur des 15 saisons en prenant en charge les aspects privés des médecins et infirmières, leurs émotions intimes, familiales et amoureuses, avec au centre de sa partition le piano, et une nappe synthétique, avec l’ajout d’un hautbois délicat sur quelques titres (« The Hero », « Carter, See You Next Fall »). 

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