L’envahissement du dehors
Alors que notre monde est secoué de toutes parts, le passé se fait plus présent que jamais dans des séries polarisées sur la géopolitique et l’intime. Théâtres de conflits, huis clos familiaux au miroir de questions sociétales brûlantes, héroïnes droites dans leurs bottes… Séries Mania 2025 oscille entre résurgences et émergences, inquiétude et besoin de continuer à espérer. Avec des zones géographiques et pays phares comme l’Europe du Nord et l’Espagne, les plus représentés aux côtés de la France cette année.
Quand la création remonte le temps pour « rejouer » la poursuite des criminels nazis dans les années 70 (The German), quand elle revisite nos conflits des années 90 auprès des casques bleus suédois de la guerre en ex-Yougoslavie (A life’s worth), ou quand elle dévoile les coulisses de notre actualité géopolitique plus récente comme les négociations du nucléaire iranien en 2015 (The Deal) ou le sauve-qui-peut des Occidentaux en Afghanistan en 2021 (Kaboul), que cherche-t-elle ? Évoque-t-elle notre passé, nous incitant à la mémoire, ou bien questionne-t-elle notre présent, nous incitant à la clairvoyance ? Indécidable dans bien des cas, la question se fait limpide dans Mussolini: Son of The Century, une série italienne expressionniste qui retrace, archives à l’appui, l’ascension de Mussolini dans ses analogies saisissantes avec celles de Trump, Meloni et bien d’autres.
En famille
En parallèle de ces séries géopolitiques, d’autres placent au sein du microcosme familial les grandes questions contemporaines telles que le consentement et la notion de viol conjugal dans l’espagnole Querer ou la transmission des traumatismes refoulés au fil des générations comme l’infanticide dans la danoise Generations ou la dépression paternelle dans l’américaine Hal & Harper. La Famille Rose déploie quant à elle une bonne dose d’humour noir pour composer une satire de la filiation en dépeignant le quotidien d’une famille de… cannibales qui connaît, finalement, les mêmes tensions que les autres !
Celeste, Ditte, Suzanne, Léa, Selina et les autres
2025 voit poindre une réflexion autour des masculinités avec des personnages vacillants sur leurs certitudes, amenés à se redéfinir en tant que (jeunes) hommes. Avec des questionnements de genre dans l’anglaise What it feels like for a girl, des variations des modalités de leurs désirs dans le format court québécois T-Rex ou une remise en question de la puissance physique comme la série documentaire norvégienne Fighter sur un combattant de MMA devenu tétraplégique qui doit se reconstruire à rebours d’une vie tout entière bâtie sur son seul corps.
Mais les vrais héros de séries de notre programme 2025 sont des héroïnes ! Des personnages de femmes audacieuses, des femmes qui à l’instar d’actrices nommées ou primées récemment affichent souvent une certaine maturité. Citons l’espagnole Celeste, inspectrice des impôts presque retraitée qui se lance le défi de redresser la plus grande chanteuse pop mexicaine, ou l’héroïne danoise de The Danish Woman, ex-agent secret recyclant ses méthodes pour redresser les torts dans son immeuble. Aux côtés de ces justicières, la bien nommée série québécoise Empathie développe l’approche empathique/compatissante originale d’une jeune femme psychiatre borderline dans un hôpital pénitencier tandis que dans Le Sens des choses, adapté d’un livre de Delphine Horvilleur, une jeune rabbine libérale navigue à vue entre doutes, écoute et application des règles religieuses. Dans Requiem for Selina enfin, l’une des premières norvégiennes à lancer son blog au début des années 2000 fonde sa célébrité virtuelle sur la haine qu’elle suscite… De quoi donner, là encore, à réfléchir.
Bon festival à toutes et tous !